Ces artistes de nos jardins : les « poivres » du nouveau monde
Fascinants voyageurs
Domestiqué dans 4 foyers agraires sur le continent de mes ancêtres, je suis un des premiers végétaux cultivés par l'homme sur le continent américain. J'ai pris la mer par bateaux espagnols pour la 1e fois en 1493. J'ai parcouru la Méditerranée, l'Afrique et une vaste zone asiatique en moins d'un siècle et demi, transporté par les colons portugais et les marchands arabes, persans, hindous…
Cultivé en plante annuelle sur des sols et des climats variés, je suis le fascinant or rouge, substitut du poivre si rare et cher alors. Les noms que l'on m'a donnés en dérivent amplement : poivre de Calicut, poivre du Portugal, poivre d'Inde, d'Espagne, de Guinée, du Brésil, pepper pour les Anglo-Saxons, pepperone pour les Italiens...
J'ai la couleur et j'ai le feu. Une fois mon feu dompté, je deviens charnu et doux et l'on me nomme poivron.
Vous m'avez reconnu, je suis le piment !
Un fruit aux multiples personnalités
Ou, devrait-on dire, LES piments ! Car je suis multiple et il faudrait des ouvrages entiers pour décrire mes espèces et variétés, signe manifeste de l'ancienneté de mon compagnonnage avec l'homme et de mes capacités d'adaptation. On compte pas moins de 5 espèces de piment cultivés et leur évolution a vraisemblablement suivi 3 trajectoires :
- l'une a donné l'espèce cultivée Capsicum pubescent, piment andin d'altitude
- une autre a donné l'espèce cultivée Capsicum baccatum, répandue aujourd'hui sur les côtes pacifiques et atlantiques au sud du bassin amazonien
- une enfin s'est diversifiée en 3 espèces entre lesquelles des croisements peuvent encore intervenir : Capsicum chinense, Capsicum frutescens le piment « enragé », très fort et coloré, cultivé en climat tropical et équatorial et Capsicum annuum. C'est cette dernière espèce, la plus adaptable, qui s'est le plus répandue à travers le monde et c'est aussi la plus riche en types divers. Tous les poivrons et plusieurs des piments que nous vous proposons en font partie.
Qu'ont les piments que les poivrons n'ont pas ?
Le feu des piments, c'est la capsaïcine, un alcaloïde plus ou moins concentré selon les variétés (jusqu'à 1 % dans les variétés de « pimentenragé », cent fois moins dans les piments doux) et à l'intérieur d'un même fruit. La capsaïcine appliquée sur les yeux et les muqueuses provoque des sensation de brûlure très fortes, d'où son utilisation courante dans les bombes aérosol de défense contreles agressions. Les mains sont les parties du corps les moins sensibles à la capsaïcine. Aussi, lorsque vous manipulez des piments, ne négligez pas de mettre des gants et de vous laver les mains une fois les gants retirés.
Les consommateurs réguliers de piments forts ressentent moins, lorsqu'ils en mangent, la sensation de brûlure mais toujours l'effet de bien-être, lié aux endorphines sécrétées par le cerveau et à la sueur du visage. C'est alors que le feu devient... rafraîchissant !
Le piment en cuisine
Suivant vos goûts et votre tolérance, le piment se consomme de multiples façons, cru ou cuit dans un plat, ou en préparation, mixé avec d'autres condiments et une bonne huile pour la conservation, ou simplement séché puis réduit en poudre pour relever vos plats.
Nous vous proposons ici une recette de pâte de piment de la Réunion, ou Ti-piment. La pâte de piment se déguste en accompagnement de tous les plats souvent à base de riz.
On utilise pour environ 200g de piment fort frais, mûr ou un peu vert si vous voulez que cela soit moins fort, 2 gousses d'ail, du gingembre frais (morceau de la taille des gousses d'ail). Vous pourrez par la suite ajuster en fonction de vos goûts le rapport piment ail gingembre.
Couper l'ensemble de manière grossière en laissant les graines de piments, passer le tout au mixeur pour avoir une pâte en ajoutant une cuillère à café d'huile d'olive et de vinaigre blanc et 2 pincée de sel. Le Ti-piment est prêt !
Pour la conservation, mettre dans des petits pots en verre bien remplis sans vide d'air, en ayant versé un filet d'huile d'olive sur la préparation. Fermer hermétiquement le couvercle puis mettre vos pots pendant 10 à 15 min dans votre four préchauffé à 180°C. A conserver dans votre réserve. Après ouverture, la pâte se conserve au frigo pendant un bon mois. Vous pouvez rajouter un filet d'huile d'olive sur le dessus pour une conservation plus longue.
(recette de Marc, notre comptable)
D'après :
- L'encyclopédie du potager, Aucante P. et al., 2003, Editions Actes sud
- Histoires de légumes, des origines à l'orée du XXIe siècle, Pitrat M. et Foury C., 2003, INRA Editions
- La vie érotique de mon potager, X Mathias, 2019, Ed Terre vivante