Ces artistes de nos jardins : les melons
La mosaïque des formes et des usages
Qui dit melon ne dit pas forcément fruit rond et lisse à chair orange et sucrée. Car si en France, le type cantaloup charentais a pris le pas sur les autres depuis une cinquantaine d'années, il existe dans les jardins d'ici et d'ailleurs bien d'autres façons pour le melon d'exprimer son art.
Ainsi, les variétés asiatiques de melon, à la chair blanche, verte, rose pâle, inodore et pas ou peu sucrée, se consomment-elles en légume, souvent cuites. C'est le cas en Inde du melon mangalore aux fruits elliptiques ou piriformes très allongés, lisses, oranges et sans odeur, à la chair blanche, ferme, cassante même. C'est le cas aussi de la margose ou melon amer, à l'écorce fine s'ouvrant à maturité sur une chair farineuse, non sucrée et sans arôme. En Afrique du Nord, Italie, Inde, Espagne, on cultive les melons serpent, aux fruits allongés (jusqu'à 2m de longueur!) appréciés immatures crus en salade comme des concombres ou confits au vinaigre comme des cornichons.
Au Soudan, on trouve les groupe tibish et seinat, formes cultivées primitives aux fruits ovales, à chair blanche, ferme, non sucrée et sans arôme, dont on consomme les fruits crus immatures (tibish) ou dont on mange uniquement les graines (seinat).
Parmi les melons-fruit, on trouve à côté du groupe des cantaloups les melons brodés, à la peau couverte d'une « broderie » ou réticule. Leur chair est orangée, verte ou blanche, épaisse et fondante. En Asie centrale et autour de la Méditerranée (Turquie, Espagne), on cultive des melons peu odorants (inodorus), à chair blanche, verte ou rose pâle, qui se conservent jusqu'à plusieurs mois (par ex. les melons jaune canari, vert olive d'hiver).
Et ceci n'est qu'un aperçu… Tous ces melons, qu'ils soient fruits ou légumes, appartiennent à la même espèce (Cucumis melo). Ils peuvent se croiser entre eux mais, contrairement à une idée répandue, n'ont aucune chance de se croiser avec les concombres qui, s'ils sont proches parents, appartiennent à une autre espèce (Cucumis sativus).
Le melon n'oublie pas d'où il vient
Le berceau du melon est en Afrique, de la zone soudano-sahélienne à l'Afrique du sud, sous un climat à saison sèche bien marquée. C'est une plante coureuse qui, comme la pastèque mais dans une moindre mesure, est capable d'explorer le sol en profondeur pour y trouver de l'eau. Comme pour les courges, ses formes ancestrales sauvages avaient l'amertume de la cucurbitacine et leur intérêt alimentaire résidait dans leurs graines, riches en lipides et protéines et dépourvues de cette substance. Les traces les plus anciennes de domestication ont été retrouvées en Égypte (2000 à 2700 avant J.-C) mais il est possible que des formes sauvages aient circulé et aient été domestiquées également en plusieurs autres endroits. Que ce soit avant ou après domestication, des migrations et diversifications du melon se sont largement produites en particulier sur le continent asiatique.
Dans nos jardins, réservons-lui un sol léger, non asphyxiant, ameubli au besoin en profondeur, réchauffé et protégé des vents froids et, nos formes cultivées étantplus généreuses que leurs ancêtres sauvages, une bonne terre de jardin enrichie de compost bien décomposé leur conviendra mieux qu'un sable. Veillons aussi à soigner l'arrosage, en particulier entre la floraison et le début de la maturation. Quant à la qualité gustative de ses fruits, elle dépendra grandement des températures et de l'ensoleillement pendant la maturation. Cette caractéristique en fait une culture délicate au nord de la Loire où le rayonnement plus faible et irrégulier a tendance à compromettre la qualité des fruits. On y privilégiera donc le semis en godet 6 à 8 semaines avant la plantation (le semis en pleine terre, plus tardif, est à réserver là où les températures ne descendent plus en dessous de 15°C), et on s'attachera à tailler* les plantes pour hâter l'apparition des fleurs femelle (qui dans la succession naturelle s'ouvrent après les premières fleurs mâle) et limiter le nombre de fruits entre 1 et 4 selon les variétés.
*Pour tailler, on pince la tige une première fois au-dessus de la 2e feuille, puis les rameaux secondaires, quand ils portent 5 feuilles, sont coupés au-dessus de la 3e feuille, les rameaux tertiaires sur le même modèle. Lorsque l'ovaire de la fleur sur ces rameaux tertiaires commence à grossir, on coupe sur chacune des tiges le rameau au-dessus du fruit.
Melons en surnombre
Lorsqu'enfin vient la saison des melons et que tous au jardin mûrissent plus ou moins en même temps sans pouvoir se conserver longtemps, il faut trouver des astuces pour le conserver ou varier les plaisirs.
Sachez que le melon, coupé en fines lamelles peut être séché (idéalement à 50°C pendant au moins 5h : le four solaire est un bon candidat pour cette opération). On peut le servir à l'apéritif, ou en dessert avec du muscat ou un vin de liqueur.
On peut aussi préparer une soupe en mixant en mélange melons et pastèques avec du jus de citron (1/2 citron pour un melon et un quart de pastèque) et éventuellement un peu de sucre et d'eau. A servir très frais.
D'après :
- L'encyclopédie du potager, colllectif, 2003, Editions Actes sud
- Histoires de légumes, des origines à l'orée du XXIe siècle, Pitrat M. et Foury C., 2003, INRA Editions