Ces artistes de nos jardins : les tomates
Tomate vs tomate
La tomate est le légume le plus consommé au monde après la pomme de terre. Mais de quelle tomate parlons-nous ?
Il y a celle qui représente la quasi-totalité des ventes en France. Elle a poussé sur un substrat hors sol dans l'atmosphère contrôlée d'une serre chauffée pratiquement toute l'année.
Et puis il y a celle de pleine terre, l'invisible de l'économie. Le fruit d'été rafraîchissant dont on guette le mûrissement avec gourmandise.
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17,5ha de serres-chapelles, 1 seule variété de tomate. Combinaison, charlotte et sur-bottes obligatoires ! |
Planches permanentes multi-espèces en pleine terre. 4 variétés de tomate sur 40m². Sandales facultatives. |
La seconde se décline en quelques 12 000 variétés que des passionnés collectionnent, et dont ils peuvent parler des heures tant elles offrent de couleurs, de textures, de goûts, d'histoires. La première, caricaturalement rouge et calibrée, remporterait haut la main n'importe quel test d'insipidité et de non intérêt gustatif, nutritionnel et écologique. On sait que c'est au détriment du goût que l'hybridation allonge la durée de conservation des tomates, les gènes responsables de ces deux critères étant antinomiques. On sait aussi que le système de culture hors sol produit des tomates dans lesquelles les vitamines, les composés organiques et les minéraux, qui contribuent au goût et participent à la santé humaine, sont dilués dans beaucoup d'eau(1).
(1) A ce sujet, un test comparatif réalisé dans le cadre d'une enquête de Cash investigation avait mesuré que, pour des variétés comparables, une tomate issue d'un système hors sol contenait 63 % de Ca en moins qu'une tomate de pleine terre, 29 % de Mg en moins, 72 % de Vitamine C en moins et deux fois moins de lycopène et de polyphénols, composés intervenant dans le corps pour lutter contre les maladies cardiovasculaires et les cancers.
Une popularisation laborieuse
Les recettes populaires à base de tomates datent tout au plus du début du XXes. Pourtant, elle a été rapportée du Mexique en Europe dans la 1e moitié du XVIes. Et entre temps ? Entre temps, elle fut tantôt la solanacée ornementale soupçonnée de toxicité, tantôt la plante suspecte des sorcières ou encore le fruit supposé satanique. Seuls les paysans italiens et espagnols avaient, sous leur climat suffisamment ensoleillé, trouvé un intérêt culinaire à la tomate qui, sous nos latitudes relativement septentrionales, avait toutes les peines à mûrir.
Ainsi la Méditerranée a-t-elle, comme pour le piment et l'aubergine, joué pour la tomate le rôle de jardin d'acclimatation pour le reste de l'Europe. 250 ans plus tard, les remous des mouvements révolutionnaires ont fait redécouvrir et apprécier la tomate, à Paris. Mais sa consommation n'a significativement commencé à augmenter dans le pays qu'à partir de la fin du XIXes.
Les années 1920 aux Etats-unis et 1950 en France ont marqué le début d'une diversification variétale unique parmi les espèces potagères et qui continue encore aujourd'hui.
Cette diversification marque d'autant plus l'intérêt récent porté à la tomate qu'elle n'a cours qu'exceptionnellement de façon naturelle, la sélection ayant au cours des âges rendu la plante autogame (fécondée par son propre pollen).
La tomate sans artefact
Recette du jardinier que Jean-Luc Danneyrolles partage dans L'encyclopédie du potager (ed. actes sud) :
« Se trouver dans son jardin vers 11h un matin d'été. Repérer une tomate qui soit parfaite. Celle-là et pas une autre. Aujourd'hui, c'est une tomate orange. Elle est ferme. Il commence à faire chaud et un peu faim. Détacher avec doigté le joli fruit mûr à point. Regarder la montagne, écouter le silence de la campagne, puis mettre la tomate à la bouche et la dévorer. Ensuite, aller manger. »
D'après :
- L'encyclopédie du potager, colllectif, 2003, Editions Actes sud
- Reportage de cash investigation (https://www.dailymotion.com/video/x9a75ma)